Beau-Rivages, Genève
Restauration de patrimoine
Depuis 1978, cette fascination, il la canalise dans sa carrière, en fait une oeuvre singulière. Il rénove, orchestre des interventions importantes, étape par étape. Sans jamais fermer l’établissement, par tradition. Mais surtout en restituant une part du patrimoine qui, sans lui, aurait été irrémédiablement gâché.
Un ouvrage de longue haleine auquel sa mère aujourd’hui nonagénaire et présidente du conseil d’administration a participé à sa manière « Elle rangeait au grenier tout ce que la modernité des années 60 rejetait alors du décor » Stucs, boiseries, bronzes, pièces de mobilier sont peu à peu récupérés, dépoussiérés, restaurés, replacés dans les chambres et les salons de l’hôtel. Ici les motifs du bureau Empire qui appartenait à son grand père ornent la cheminée d’un appartement. Là, les anges en pierre veillent sur les visiteurs. Les suites, avec leurs hauts plafonds, ont gardé leur situation originelle, au premier étage, à contresens de la tendance hôtelière qui expatrie les plus belles habitations aux niveaux supérieurs. Des aquarelles néo-pompéiennes de l’atrium, démasquées derrière un habillage mural lors d’une réfection, Jacques Mayer a réussi à sauver un fragment intact, une danseuse.
Aucune nostalgie dans cette façon de faire, bien plutôt un désir impérieux de « donner de l’importance à l’authentique ». Ivan Rivier, le directeur ne cache pas cette ferveur à laquelle il adhère : « le soin apporter aux détails s’érige ici en art ». Le fait que, depuis ses origines en 1865, l’établissement soit resté au sein de la même famille, n’explique pas à lui seul cette ambiance unique de demeure privée. Elle revient à celui qui sait la préserver.
Au besoin, la faire renaitre.
Restauration de la peinture
Ausculter, valoriser l’oeuvre rare ou l’objet à valeur sentimentale, tel est le travail du cabinet d’expertise et de restauration de Catherine Bourlet, une historienne de l’art, plasticienne et expert-conseil installé à Genève, à laquelle l’Hôtel Beau-Rivage a confié la peinture qui, après trois mois de travail minutieux, a repris sa place, au plafond du salon du rez-de-chaussée. « Chaque pièce est un cas unique » dit-elle. Tel un détective, l’esprit en alerte, a la recherche d’indices, elle a examiné, repéré, évalué les dommages pour décider des traitements appropriées. Peu de documentation existe sur cette toile datée d’environ 1876. Hormis la signature de l’artiste, Munoz. L’oeuvre à l’huile est classique et exprime un thème décoratif de l’époque. La singularité réside toutefois dans sa taille impressionnante : un ovale de 8 mètres sur 4, soixante-dix kilos accrochés à une hauteur de plafond de 3,5 mètres.
De fait, c’est sur un chantier vertigineux que l’équipe de spécialistes aura réuni ses compétences pour nettoyer, gratter les lourds encollages au dos de la toile. L’assouplir, avant de polir, retoucher, fixer les pigments et appliquer les couches de vernis successives. Pour sauvegarder l’intégrité de l’œuvre. La joyeuse naïveté des angelots, la grâce de cette Vénus vaporeuse, il aura également fallu que toutes les mains, tous les pinceaux en action travaillent en cohérence. A voir le résultat, on ne peut qu’applaudir à ce défi de collégialité, orchestré par Catherine Bourlet.